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Les pouvoirs publics ont coutume d’intervenir lourdement dans le secteur agricole, probablement davantage que dans les autres secteurs productifs. Ils se soucient en effet, de longue date, d’assurer un niveau de revenu satisfaisant aux agriculteurs et d’approvisionner leur population en produits alimentaires à des prix raisonnables et en quantité suffisante. Ces objectifs restent importants aujourd’hui, mais l’action des pouvoirs publics en vise désormais plusieurs autres, comme l’amélioration de la compétitivité du secteur et de sa capacité d’innovation, ou encore de sa résilience face au changement climatique et à d’autres risques grâce à des systèmes de production écologiquement durables.
Ces objectifs sont dans l’ensemble communs à tous les pays, mais dans des proportions variables selon la situation particulière des uns et des autres. Beaucoup de pays développés soutiennent depuis longtemps les revenus agricoles, mais à mesure que leur économie croît et se transforme, il n’est pas rare que d’autres objectifs, comme la protection de l’environnement, y prennent de plus en plus de place. Dans de nombreux pays en développement, l’agriculture et la pêche jouent un rôle nettement plus important dans la croissance économique globale et l’emploi. Souvent, leur gouvernement essaie de stimuler la production et d’élever les revenus en faisant baisser le coût des principaux intrants ou en dopant les prix des produits ; parallèlement, il s’efforce dans bien des cas de maintenir à un faible niveau les prix intérieurs des produits alimentaires, en particulier au bénéfice des plus pauvres.
L’OCDE assure le suivi et l’évaluation de la politique agricole de 53 pays qui, ensemble, versent au secteur plus de 500 milliards UDS par an pour le soutenir. Plus des trois quarts de ces aides bénéficient directement aux agriculteurs, le reste finançant des investissements publics dans les systèmes d’innovation agricole (recherche développement, vulgarisation et formation, et enseignement), les dispositifs de contrôle qualité et de sécurité des aliments, et les infrastructures physiques. Bien entendu, il existe des différences notables entre les pays.
Au cours des 20 dernières années, le niveau du soutien apporté aux agriculteurs a diminué dans beaucoup de pays. De plus en plus souvent, les aides sont aussi plus dissociées de la production (« découplées ») – ce qui revient à dire que les paiements versés à bon nombre d’agriculteurs ou les prix majorés dont ils bénéficient ne sont plus liés à la production d’un produit particulier – et visent des objectifs environnementaux et une amélioration de l’accès aux instruments de gestion des risques. Quoi qu’il en soit, le niveau du soutien demeure élevé dans quelques pays développés et il monte dans certaines économies émergentes, où il était certes modeste auparavant, voire négatif.
Le soutien public apporté à la pêche est substantiel, mais nettement moindre que celui dont jouit l’agriculture. Il se compose de paiements versés individuellement aux pêcheurs, par exemple au titre de la modernisation des navires, ainsi que d’investissements dans les infrastructures portuaires et le suivi, la surveillance et le contrôle des pêches. Les exonérations d’impôts indirects et les subventions à l’achat de carburant sont elles aussi courantes, qu’elles soient réservées au secteur halieutique ou relèvent d’un dispositif de plus vaste portée. En 2016, le soutien destiné directement à la pêche a totalisé près de 3 milliards USD dans l’ensemble des pays de l’OCDE pris en compte dans la base de données sur l’estimation du soutien à la pêche.
Selon l’objectif visé, certaines mesures sont plus efficaces que d’autres. Les dépenses publiques consacrées aux services d’inspection et d’innovation agricoles, par exemple, le sont particulièrement pour accroître la productivité agricole sans nuire à la durabilité. Les paiements destinés aux agriculteurs peuvent être ajustés en fonction des objectifs visés (l’amélioration des performances environnementales des exploitations, par exemple), en ciblant une zone particulière ou une catégorie d’exploitations, ou en subordonnant leur versement au respect de certaines conditions. Maintenir les prix intérieurs à un niveau artificiellement élevé (au dessus des prix internationaux, par exemple, moyennant des restrictions des exportations) permet aux pouvoirs publics de soutenir les agriculteurs sans peser directement sur le budget public, mais ce sont les consommateurs qui en supportent les conséquences, à commencer par les plus démunis, qui sont durement touchés.
Le soutien des prix intérieurs, les paiements au titre de la production et les subventions à l’achat d’intrants n’ont pas pour seul effet de fausser les décisions de production et les flux commerciaux : ils peuvent aussi avoir des répercussions préjudiciables sur l’environnement. Parce qu’elles sont liées à la production, ces mesures peuvent amener les agriculteurs à utiliser trop d’intrants et accroître ainsi la pression exercée sur le milieu. Et du fait que ces formes de soutien visent souvent certains produits en particulier, elles peuvent réduire la résilience et l’adaptation au changement climatique en encourageant les producteurs à pratiquer certaines cultures même si les conditions climatiques locales ne leur conviennent pas tout à fait.
Ces mesures peuvent aussi avoir des effets dommageables importants sur le bien être, la résilience et la sécurité alimentaire des producteurs et des consommateurs. Misant sur l’auto-approvisionnement pour améliorer la sécurité alimentaire, certains pays limitent l’accès aux marchés et recourent à des formes de soutien intérieur qui créent des distorsions. Mais les victimes les plus durement touchées par la majoration des prix du marché des produits de base qui en résulte sont les ménages pauvres. Parmi elles se trouvent des petits paysans, qui sont parfois acheteurs nets de produits agricoles. Dans certains pays, notamment des pays en développement, des stocks publics sont prévus pour mettre les consommateurs à l’abri des flambées des prix alimentaires. Toutefois, les grands programmes de stockage public peuvent avoir des effets involontaires sur les marchés intérieurs et internationaux, et aggraver la volatilité des prix.
Répondre de façon durable à la demande future de produits agricoles, halieutiques et alimentaires alors que le climat est en train de changer engendre des opportunités, mais aussi des difficultés.
Les politiques continuent d’évoluer, les pays élaborant des mécanismes plus ciblés et faussant moins les marchés pour atteindre leurs buts en matière de revenus et de gestion des risques, et pour améliorer la productivité sans compromettre la durabilité écologique. Cependant, les produits agroalimentaires donnent lieu, en général, à des droits de douane plus élevés que les biens industriels et ils sont plus susceptibles de faire l’objet d’obstacles non tarifaires découlant de réglementations internes. Les pressions externes imputables aux accords internationaux jouent un rôle important, notamment celles qui résultent de l’Accord de 1994 sur l’agriculture (conclu dans le cadre du cycle de négociations commerciales d’Uruguay, qui a abouti à la création de l’Organisation mondiale du commerce). Les négociations commerciales multilatérales sur l’agriculture et la pêche piétinent, mais les efforts s’intensifient, y compris à l’OMC.
À terme, aligner les politiques de l’agriculture, de la pêche et de l’alimentation avec les besoins à venir du secteur imposera aux pouvoirs publics de distinguer les mesures qui soutiennent les revenus des ménages en difficulté de celles qui visent à accroître la productivité, la durabilité et la résilience face au changement climatique et aux autres risques. Cela exigera aussi une approche plus intégrée, pour faire en sorte que les panoplies d’instruments cadrent avec les mesures appliquées à l’ensemble de l’économie et répondent aux besoins du système alimentaire tout entier, de la « fourche à la fourchette ». Les travaux de l’OCDE engendrent des données, des informations, des analyses et des conseils neufs, pour aider les pouvoirs publics à prendre leurs décisions sur les moyens concrets pouvant améliorer la performance de leur action.
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