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La production alimentaire, agricole et halieutique est dépendante des ressources naturelles procurées par notre planète, des ressources épuisables et toutes de plus en plus malmenées. L’agriculture doit composer avec l’expansion urbaine et avec la demande croissante d’eau émanant des autres secteurs. L’aménagement du littoral complique la gouvernance des activités de pêche dans les zones de pêche traditionnelles. L’écosystème marin subit quant à lui les effets de l’exploration pétrolière et gazière, du fret maritime et des industries terrestres, dont les activités peuvent générer une pollution par ruissellement et ainsi détruire des habitats et entraîner une perte de biodiversité. Ces impacts sont le plus souvent localisés et créent pour le secteur agricole des foyers de risque où la production alimentaire devrait être la plus difficile à maintenir.
Cette rivalité pour les ressources est exacerbée par le changement climatique. D’ici 2050, celui-ci pourrait écorner de 6 à 10 % les rendements mondiaux moyens du riz, du blé et du maïs par rapport à un scénario de statu quo climatique, tandis que le stress hydrique qui sévit au nord-ouest de l’Inde, au nord-est de la Chine et au sud-ouest des États-Unis pourrait dans le même temps et à lui seul accroître les prix de ces céréales de 5 à 7 % sur le marché mondial.
L’environnement n’est pas le seul à avoir des répercussions sur le système alimentaire, agricole et halieutique, les techniques de production entrent également en ligne de compte en raison de l’impact qu’elles peuvent avoir sur les terres, l’eau, la biodiversité et les gaz à effet de serre.
À l’échelle mondiale, le secteur agricole est directement responsable d’environ 12 % de ces émissions, composées dans son cas surtout de méthane émis par le bétail et la culture du riz et d’hémioxyde d’azote provenant des engrais. Il consomme plus d’eau que tout autre secteur et peut nuire à la biodiversité et à la qualité de l’eau en provoquant des ruissellements d’engrais, d’effluents d’élevage et de pesticides. L’utilisation excessive de nutriments en agriculture est l’une des grandes sources de pollution de l’eau et aurait selon les estimations réduit d’un tiers environ la biodiversité des cours d’eau, lacs et zones humides dans le monde.
L’impact de l’agriculture sur l’environnement et les ressources naturelles s’est certes amélioré d’après les analyses de l’OCDE, mais il reste beaucoup à faire dans de nombreux pays pour mieux utiliser les ressources et réduire la pollution.
La surpêche, pêche illégale comprise, épuise les stocks halieutiques. C’est ainsi qu’un tiers environ des stocks mondiaux sont exploités au-delà des limites biologiques de sécurité, contre environ 10 % au milieu des années 70. Cette situation menace le fonctionnement des écosystèmes marins et ferme des débouchés aux pêcheurs. Une meilleure gestion des pêches pourrait générer une valeur supplémentaire de 80 milliards USD par an.
À l’heure où la demande de produits alimentaires et non alimentaires continue d’augmenter sous l’effet surtout de la croissance démographique et des revenus, il y a tout lieu de penser que la lutte contre l’épuisement des ressources et le changement climatique deviendra un enjeu de plus en plus important à l’avenir. La population mondiale devrait atteindre 9.5 milliards d’habitants en 2050, la majeure partie de cette croissance démographique étant escomptée en Afrique subsaharienne, en Inde, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. La hausse des revenus dans les pays en développement et émergents entraîne une demande accrue de produits alimentaires et non alimentaires de plus en plus divers.
Le développement du numérique pourrait être un formidable vecteur de transformation du système alimentaire, agricole et de la pêche dans les prochaines années. Les appareils mobiles, l’analytique des données, l’imagerie satellitaire haute définition, les équipements de précision et l’intelligence artificielle, entre autres, pourraient vivement contribuer à améliorer la productivité, la durabilité et la résilience de l’ensemble du secteur. En principe, les innovations technologiques devraient permettre aux agriculteurs de suivre plus précisément les besoins de leurs cultures et de leur bétail, d’ajuster la consommation d’intrants (engrais, compléments alimentaires, etc.) et de s’appuyer sur d’importants volumes de données pour déterminer quels sont les choix de production agricole et aquacole les plus indiqués. Les agriculteurs et pêcheurs pourraient plus aisément garder le lien avec les marchés et accéder à des informations primordiales et actualisées, tandis que les systèmes de traçabilité permettent de suivre les produits tout au long de la chaîne de valeur et fournir aux consommateurs des informations sur l’origine des aliments qu’ils achètent.
Les technologies numériques pourraient aussi ouvrir la voie à une surveillance plus étroite des activités de pêche illégales et ainsi contribuer à une gestion plus durable des stocks. Elles peuvent en outre aider à cibler et à améliorer les politiques environnementales et agricoles en subordonnant le soutien à des résultats vérifiables. Elles peuvent enfin faciliter les échanges transfrontières, en automatisant par exemple les procédures administratives et douanières.
Certaines de ces technologies existent déjà, d’autres n’ont sont qu’aux premiers stades de développement. Quoi qu’il en soit, les outils numériques agricoles ne seront pas automatiquement à la portée de tous. Il faudra veiller tout particulièrement à ce que les agriculteurs et pêcheurs des pays moins développés et des régions éloignées puissent en bénéficier. Dans bien des cas, cela impliquera d’augmenter considérablement l’investissement (public et privé) dans les infrastructures numériques ainsi que dans l’enseignement et la formation, faute de quoi se creuserait un fossé numérique qui ferait un bien trop grand nombre de laissés-pour-compte.
Il apparaît de plus en plus impérieux de repenser les politiques à la lumière des défis et des opportunités qui se font jour. Sans attendre, les pouvoirs publics pourraient supprimer les mesures susceptibles de nuire à l’environnement, notamment lorsqu’elles encouragent des pratiques de production contraires aux principes de durabilité. Ce faisant, ils dégageraient des ressources financières par ailleurs rares qui pourraient être consacrées à des investissements à rentabilité élevée dans des systèmes d’innovation, des infrastructures physiques et numériques, des mesures climatiques et environnementales ciblées et des systèmes de gestion des risques. Ces actions ciblées et adaptées ouvriraient ensuite la voie à d’autres mesures en faveur d’une ouverture des marchés, de façon à ce que le commerce des produits alimentaires, agricoles et halieutiques gagne en liberté et en équité.
Pour améliorer l’action publique, il est utile de renforcer la coopération internationale, celle-ci permettant à la fois d’obtenir plus d’informations sur les risques partagés (changement climatique et autres changements environnementaux, activités de recherche et développement insuffisantes dans certains domaines, etc.) et de dégager des pistes pour résoudre des problèmes intéressant un grand nombre de pays (infrastructures résilientes au changement climatique, gestion des terres et de l’eau, atténuation des risques météorologiques, nouvelles applications numériques, etc.).
Il est rare que la réforme des politiques alimentaire, agricole et halieutique soit une tâche aisée, tant elle soulève d’interrogations à l’égard des effets qu’elle pourrait produire sur les moyens de subsistance des populations rurales, la répartition des revenus et la compétitivité. Les processus de réforme doivent être soigneusement conçus de manière à laisser voix au chapitre aux acteurs concernés, anticiper les effets négatifs et mettre en place des dispositifs de soutien en accompagnement de la transition afin d’opérer plus facilement les ajustements structurels souhaités. Les autorités nationales peuvent travailler avec les organes publics infranationaux, les entreprises et les groupes de la société civile afin de renforcer la coopération intérieure, à la fois pour faciliter la réforme et pour répondre aux problèmes qui se posent à l’échelon local, à commencer par les problèmes environnementaux.
Le système alimentaire mondial continue de répondre aux besoins d'une population mondiale croissante et plus riche. Apprenez comment nous sommes arrivés ici.
Les politiques et interventions gouvernementales jouent un rôle majeur dans la formation des marchés des produits alimentaires et agricoles, mais elles ne sont pas toujours bien alignées sur les objectifs en évolution.
L'évolution du système mondial d'alimentation, d'agriculture et de la pêche au cours des prochaines décennies dépendra de mesures ciblées visant à garantir que personne ne soit laissé pour compte.